Textes et photos de Philippe Boré
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Pour la localisation voir "la carte de l'eau"
De nos jours, pour peu qu'ils soient écologiquement gérés, les lavoirs et fontaines sont devenus de véritables refuges de vie aquatique. Leur eau de source est pure et oxygénée, courante, et ils sont épargnés des variations du niveau d'eau en période d'étiage. De fait, il accueille un des rares biotopes où peut se reproduire, de manière optimale, la famille des amphibiens. Malgré leur stricte protection par la loi, leur population ne cesse de chuter partout en France.
Des animaux à double vie !
Il y a encore peu de temps, on utilisait couramment le terme de « batraciens » qui représentaient deux groupes : les anoures (grenouilles et crapauds), les urodèles (salamandres et tritons), mais la classification moderne des espèces a permis de découvrir un troisième ordre, les apodes, rendant alors obsolète ce terme au profit de celui des « amphibiens ».
Du Grec « amphi » (double) et de « bios » (vie), cette terminologie décrit une existence animale qui passe de la vie larvaire aquatique, avec une respiration branchiale (branchie) à un mode de vie principalement terrestre via une respiration pulmonaire.
Qui sont-ils en Presqu'île ?
Salamandre : très photogénique, elle ne passe pas inaperçue avec sa toison jaune vif, lorsqu'elle déambule dès les premières pluies d'octobre à la recherche des zones humides. C'est la période où elle va déposer de minuscules larves en prenant soin de marcher sur les plantes aquatiques. En effet, la salamandre, une fois adulte, perd ses facultés à nager. De même, l'absence de griffes la rend propice à la noyade en cas de chute dans un puisard ou d'un lavoir si ils sont sans végétation et aux parois abruptes. D'où une raison supplémentaire de laisser nos lavoirs se végétaliser ! La jeune salamandre se distingue du jeune triton par sa grosse tête et ses deux spots blancs à la base des pattes arrières.
Triton palmé : il est les plus couramment présent dans nos lavoirs. Le mâle se distingue par ses pattes arrières palmées et un filament au bout de sa queue tronquée. Les jeunes tritons éclosent au printemps et mesurent de 7 à 25 mm avant d'avoir la capacité de se passer d'eau mais des pontes de substitution peuvent avoir lieu si l'été est humide.
Triton marbré : Presque le profil d'une salamandre qui aurait troqué sa robe jaune par une version vert fluo, plus tendance camouflage . En période nuptiale, le mâle est orné d'une crête et la femelle d'une ligne rouge dorsale. L'apercevoir de nuit à la lampe, sur fond de sédiment est une occasion rare et de fait, son lieu de ponte est protégé et à sauvegarder avec soin.
Grenouilles et crapauds : ils viendront furtivement et nuitamment dans les lavoirs pour parader et y déposer leurs pontes. La plus précoce, la grenouille rousse, en plein hiver, dès janvier ! suivie de la grenouille agile (février) puis s'inviteront au printemps les crapauds communs qui déposeront un caractéristique ruban d'oeufs, suivra l'arboricole rainette verte dont on peut entendre la vocalise nuptiale à des centaines de mètres.
Le rendez-vous des métamorphoses
Lavoirs et mares sont également un lieu remarquable de métamorphoses d'insectes (éphémères, papillons, coléoptères,...) qui font l'objet de fascinantes animations pédagogiques pour le jeune public. Certains insectes marchent sur l'eau, nagent sur le dos, d'autres tournent sur eux-mêmes ou emportent une bulle d'air pour plonger plus longtemps.
Larve de triton
Ce visuel n'a d'autres fonctions que de rappeler la fragilité et petitesse d'un jeune triton au printemps ou en été. Leur présence dans l'enchevêtrement des plantes ou des sédiments à cette époque de l'année est donc très difficilement perceptible d'où la procédure adaptée de restreindre l'entretien des lavoirs de septembre à octobre.
La libellule et sa larve
Mais c'est surtout la libellule, véritable mécanique de précision, aux quatre ailes indépendantes, qui peut réaliser des vols stationnaires et en marche arrière millimétriques, qui charme et capte l'attention. Libellules et demoiselles vont passer de 2 mois à 3 ans en stade aquatique avant de profiter d'une nuit favorable, pour grimper le long d'une tige et prendre leur envol (émergence). Au matin, après s'être bien séchée les ailes, elle laissera sur place comme indice une carapace vide (exuvie). La libellule, en stade aérien n'aura alors que quelques mois d'espérance de vie pour se reproduire afin d'assurer la pérennité de l'espèce.
Et les moustiques dans tout cela ?
- Tout ce petit peuple de la mare composé d'insectes représente de redoutables prédateurs de larves de moustiques ; ils leur laisseront bien peu de chance de survie. Un lavoir équilibré, qu'on ne cure pas trop souvent, deviendra donc un salutaire piège à moustiques. En revanche, une gouttière mal réglée, gamelles ou soucoupes de pots de fleurs, offrent des gîtes larvaires trois étoiles !
Des lavoirs sans poisson, ça coule de source !
La reconquête de la biodiversité des amphibiens ne pourra pas fonctionner avec l'introduction de poissons dans une mare. Grands prédateurs de tritons et d'œufs de grenouilles, ces derniers génèrent aussi une turbidité de l'eau en fouillant continuellement la vase et favorisent la prolifération d'algues par leurs déjections riches en nitrate.
Les liens qui libèrent !
L'association Eau et Rivières de Bretagne dont la mission est de prendre soin de cours d'eau et donc de notre santé à tous, met aussi à la disposition du public une foultitude de guides pratiques pour reconnaître la faune de Bretagne. Ils sont téléchargeables sur : https://www.eau-et-rivieres.org en se rendant sur l'onglet « Découvrir » puis « Fiches pédagogiques ».
Vous pouvez aussi consulter :
Le guide des Amphibiens de Bretagne (avec cartes de répartition)
https://www.calameo.com/erb/read/00529485256394de3dfa8
Le petit peuple de la mare :
https://www.calameo.com/erb/read/005294852f19f6dafc779
Les libellules des mares de Bretagne :
https://www.calameo.com/erb/read/0052948521fe15104ff27
Le rendez-vous des métamorphoses : la mare
https://www.calameo.com/erb/read/0052948529dd7b08c7efa?page=1
Si vous envisagez un entretien de lavoir consultez préalablement notre page "biodiversité". Vous pouvez aussi télécharger gracieusement le "Guide pour une restauration et une gestion écologiques des lavoirs et fontaines en Bretagne" (une réalisation inédite publiée en 2024, fruit d'un travail remarquable de concertation de diverses associations passionnées par les lavoirs et leur environnement).