Textes et photos de Philippe Boré
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Pour la localisation voir "la carte de l'eau"
Notre presqu'île est cernée par l'eau qui pénètre au fil des marées jusque dans l'intimité des étangs et des marais côtiers. Mais voilà, cette eau est essentiellement salée et ne satisfait pas à l'abreuvement des mammifères et oiseaux, ni à la reproduction des amphibiens ; on a donc tendance à l'oublier, l'eau douce est ici rare et précieuse.
De nos jours, lavoirs et fontaines sont donc devenus de véritables refuges de vie aquatique et ce pour trois raisons :
l'eau de source des fontaines est pure, exempte de nitrates et pesticides excessifs
un courant permanent apporte oxygène et minéraux, emportant les matières organiques pléthoriques
et surtout, le niveau d'eau est souvent stable même en période d'étiage
Plantain d'eau
Les lavoirs et fontaines sont donc de rares biotopes où se reproduisent les amphibiens, sans prédation et mortalité excessive !
Les plantes aquatiques immergées ou flottantes, tout comme les débris végétaux (feuilles et sédiments) favorisent une faune diversifiée et insoupçonnable. Ces végétaux sont indispensables à plus d'un titre :
- lors de la photosynthèse, la végétation transforme le gaz carbonique en oxygène, indispensable aux amphibiens dont la respiration subaquatique se réalise par les branchies ou par la peau
- ils sont à la base de la chaîne alimentaire des mollusques, tétards et jeunes tritons
- ils abritent des bactéries qui participent grandement à l'épuration de l'eau
- selon leur architecture, ils jouent le rôle d'un refuge inexpugnable et salutaire pour les jeunes larves (dytique, larve de libellules,...) face à l'assaut acharné et permanent des prédateurs
- enfin et surtout, la végétation aquatique offre un support de ponte idéal aux amphibiens dont les membres (salamandres, tritons, grenouilles et crapauds) bien que protégés par la loi, sont tous menacés. La femelle triton par exemple colle délicatement ses œufs un par un sur les feuilles immergées. Sans cela, les œufs sombreraient en profondeur, dans les sédiments et seraient asphyxiés par le manque de lumière et d'oxygène.
En fonction de la qualité de l'eau, la végétation aquatique se développera plus ou moins rapidement. Ainsi, si lors de fortes pluies, les sédiments chargés en nitrate d'un champ agricole riverain se déversent dans le lavoir, la prolifération des algues et plantes risque de devenir problématique plus rapidement.
Le cresson des fontaines ou la callitriche s'épanouiront dans une eau de source pure à débit abondant. Ces plantes sont à privilégier car elles offrent une végétation aérienne foisonnante et un réseau racinaire favorable aux jeunes amphibiens sans envahir la colonne d'eau.
Les nénuphars sont parfois appréciés pour leur fleur mais peuvent envahir rapidement la surface restreinte des lavoirs, nuisant à la photosynthèse.
L'alternative peut être le potamot nageant aux modestes feuilles ovales. Pour les fleurs, le plantain d’eau ou le trèfle d'eau attireront les pollinisateurs.
On distinguera les plantes oxygénantes ou filtrantes. Celles à tiges émergentes seront d’utiles tremplins pour la métamorphose des larves de libellule, puis ensuite perchoir d’affût de chasse.
Les lentilles vertes nourrissent têtards et jeunes tritons. Si le bassin est trop riche en matière organique et nitrate, il faudra modérer à l'automne son étalement sur toute la surface.
La gestion de la végétation des lavoirs doit respecter une procédure rigoureuse, car «faire propre », c'est souvent « faire le vide de la biodiversité » ce qui favorise alors les moustiques et algues filamenteuses. L'excès de végétation ou plantes invasives pourra être retiré après inspection rigoureuse, de septembre à fin octobre uniquement.
Un pont sur l'eau !
La salamandre, une fois adulte, perd ses facultés à nager. Sa queue ronde et ses pattes sans palmures rend toute progression dans l'eau très vite épuisante. De même, l'absence de griffes la rend propice à la noyade en cas de chute dans un puisard ou un lavoir sans végétation et aux parois abruptes, d'où l'intérêt de laisser nos lavoirs se végétaliser pour accueillir le dragon nocturne.
Les algues vertes dites filamenteuses
La pollution agricole et industrielle charge de plus en plus notre atmosphère en oxyde d'azote qui transforme la pluie en un véritable engrais dilué. Plus d'azote dans les milieux aquatiques, cela veut dire une croissance d'algues filamenteuses boostée, de la matière organique en surcroit et donc moins d'oxygène. Pourtant, la Presqu'ile semble épargnée des cultures intensives mais on oublie la puissance des courants aériens qui permettent régulièrement à des milliers de tonnes de sable du Sahara de franchir la méditerranée, la chaîne des Pyrénées et se déposer à 2000 km de leur lieu d'origine... alors imaginons les molécules chimiques !
Avec un surcroit de chaleur, la prolifération d'algues est fréquente et le lavoir peut alors verdir rapidement ! « C'est pas joli » entend-on parfois ! La perception humaine de l'esthétisme de la nature a engendré nombre d'échecs en terme de préservation de la nature. En les retirant, on soustrait aussi une grande partie des bactéries qui sont « la solution » ; la Nature est résiliente pour peu qu’on lui laisse le temps et les ressources pour se restaurer. De plus, jeunes têtards et tritons y trouvent un refuge quasi inexpugnable. En revanche, une fois sortis de l'eau, les filaments emprisonnent tout ce qui s'y est abrité et elles deviennent un enchevêtrement inextricable.
Les liens qui libèrent !
L'association Eau et Rivières de Bretagne dont la mission est de prendre soin de cours d'eau et donc de notre santé à tous, met aussi à la disposition du public une foultitude de guides pratiques pour reconnaître la faune de Bretagne. Ils sont téléchargeables sur : https://www.eau-et-rivieres.org en se rendant sur l'onglet « Découvrir » puis « Fiches pédagogiques ».
Vous pouvez aussi consulter :
Les Plantes aquatiques d'eau douce :
https://www.calameo.com/erb/read/0052948527e1ef2ae3e07
Les Plantes des berges d'eau douce :
https://www.calameo.com/erb/read/005294852b4a4e5ee8845
Les Plantes des zones humides :
https://www.calameo.com/erb/read/0052948529eafd0839c44
Créer une mare chez soi :
https://www.calameo.com/erb/read/00529485202966d32c942
Si vous envisagez un entretien de lavoir consultez préalablement notre page "biodiversité". Vous pouvez aussi télécharger gracieusement le "Guide pour une restauration et une gestion écologiques des lavoirs et fontaines en Bretagne" (une réalisation inédite publiée en 2024, fruit d'un travail remarquable de concertation de diverses associations passionnées par les lavoirs et leur environnement).